Article paru dans le numéro 24 du mensuel Nous Deux le 15 mars 1959
MARIA CASARES a juré fidélité au théâtre
Maria Casarès fut présentée à l’époque comme la révélation des Enfants du Paradis. Ce terme, si souvent galvaudé. retrouvait grâce à elle son véritable sens. Comparée à Réjane pour sa création au théâtre du rôle de « Deirdre des Douleurs », la jeune tragédienne n’a pas déçu ses admirateurs qui n’attendaient pas sans une secrète appréhension l’épreuve du cinéma, si souvent funeste à la réputation des comédiens. Or, Maria Casarès en sortit victorieuse et parée d’un éclat nouveau.
Ses premiers pas, sous l’égide de Marcel Carné, dans un domaine inconnu où tout l’épouvantait témoignaient d’une assurance remarquable. Elle montrait à ses débuts beaucoup de timidité, la patience la plus touchante et cette bonne volonté qui ne se rencontre que chez les véritables artistes.
Ses camarades, rompus au jeu des studios, l’aidèrent de leur mieux, principalement Jean-Louis Barrault. Avec lui, surtout, Maria Casarès reprenait confiance en elle-même.
Dans le rôle de Nathalie, l’amoureuse obstinée dont l’humble tendresse, la patience, l’abnégation l’emporteront sur tous les charmes dont le souvenir embellit encore l’image de la femme aimée, Maria Casarès éprouve réellement cette émotion qui la transfigure.
La régularité des traits, tout ce que l’artifice peut ajouter de séduction trompeuse à la grâce naturelle sont peu de chose auprès de ce visage pathétique. L’excessive modestie de Maria Casarès inspirait cette exclamation de la comédienne à la projection qui la révélait à elle-même « Mais je suis jolie ! »
A l’entendre, c’était un miracle dont l’opérateur Roger Hubert était le seul responsable.
Maria Casarès a juré fidélité au théâtre et le succès qu’elle remporta à l’écran ne lui fit pas trahir un serment qui engageait sa vie entière. D’ailleurs — pourquoi le cacher ? — le cinéma lui apporta ses premières déceptions. Elle lui reprochait avant tout un gaspillage des forces de l’acteur par l’attente indéfiniment prolongée.
– Rien n’est plus fatigant, plus déprimant, soupirait-elle dans sa petite loge où des camarades venaient lui tenir compagnie.
Elle leur en était profondément reconnaissante, bavardait avec eux en fumant cigarette sur cigarette, prête à répondre au premier appel du metteur en scène. Coiffée et maquillée depuis son arrivée au studio — vers sept heures du matin le tableau de service la désignant pour neuf heures — elle attendait encore à 17 heures le moment où l’on aurait besoin d’elle. Attentive à l’ordre de sa toilette, à sa coiffure, elle ne cessait de s’observer, donnant à tous l’exemple de sa conscience professionnelle.
Marcel Carné l’intimidait, comme il intimide presque tous les artistes qu’il dirige…
Les goûts de Maria Casarès s’accordent bien avec sa nature un peu sauvage et si attachante. Elle aime la campagne et l’Océan, les vagues et les algues, les côtes sauvages et déchiquetées du Finistère qui rappellent à cette fille de la Galicie son propre pays.
Elle est heureuse, immobile sur un rocher, fouettée par les embruns, offrant tout son corps et son visage nu à la rude caresse du vent de mer, se brûlant au soleil qui l’éblouit.
Je suis une descendante de Maria Casarès.
Ma grand-mère maternelle était la cousine de Maria Casarès