Sortie prévue le 10 mars aux Editions La Tour Verte de notre anthologie des écrits de Marcel Carné lorsqu’il était critique, avant de devenir le cinéaste que vous connaissez.
Un deuxième volume est prévu ultérieurement.
Du coup, vous ne trouverez sur ce site que des extraits des articles et chroniques que nous avions retranscrit précédemment.
Nous avons consacré plusieurs pages spéciales sur notre livre à l’adresse suivante : https://www.marcel-carne.com/carne-et-la-presse/1929-1934/
Article de Marcel Carné paru dans Cinémagazine n°28 daté du 12 juillet 1929
LA CAMERA, PERSONNAGE DU DRAME (1929) par Marcel Carné
Aucun sujet n’apparaît plus délicat que celui du film parlant.
L’avenir appartient aux créateurs, et ce qui est vrai aujourd’hui risque de ne plus l’être demain. Alors que le cinéma muet entre, à peine, dans l’adolescence, l’industrie américaine – sa mère adoptive – met au monde un enfant qui semble vouloir s’imposer : le film parlant. Sur cette nouvelle invention, dont on ne peut prévoir les possibilités, chacun cherche à placer son mot. Nous ignorons à peu près tout de cet art nouveau, qu’importe. Il n’est pas un journal, pas une revue, qui ne lui consacre ses colonnes (bien souvent pour un éreintement féroce). Le fameux contingentement lui-même, cette loi de et pour quelques-uns, n’occupe plus qu’une place de second plan. Le talkie est la folie du jour, l’espoir en une saison meilleure que la précédente. Loin de moi l’idée d’ajouter un article à ceux précédemment parus. Mais, tout de même, il est un problème que soulève le film parlant et qu’on semble dédaigner.
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Et voilà qu’aujourd’hui, après tant d’efforts pour créer un style véritablement visuel, le film parlant vient réduire à néant les progrès accomplis. Pour la réalisation des talkies, la caméra est retenue prisonnière dans une cabine dépourvue de résonance. Est-ce à dire que nous sommes revenus aux temps héroïques du cinéma d’il y a une douzaine d’années ?
Nous ne pouvons y croire. Nous aimons trop les talkies, malgré le peu que nous en connaissons en France, où des exploitants perplexes reculent devant une installation d’un prix relativement élevé. Mais il faut à nouveau libérer l’appareil de prise de vues et faire vite. Quelques esprits grincheux n’ont pas manqué de dire que le film parlant ne serait jamais que du théâtre filmé. C’est à ceux-là qu’il faut opposer un démenti formel. Pour cela, la caméra ne doit plus être retenue prisonnière. Il faut qu’elle retrouve son extrême mobilité de personnage du drame.
Je ne doute pas de la difficulté, mais puisque l’on trouve déjà plusieurs audaces techniques dans une Broadway Melody, quelques mois seulement après l’invention des talkies, un tel fait autorise tous les espoirs.
L’avenir appartient aux créateurs.
MARCEL CARNÉ.