JULIETTE OU LA CLEF DES SONGES (1951)
Fiche Technique – Synopsis – Revue de Presse – Story (english) – Affiches – Liens – Extrait avec Gérard Philipe et Suzanne Cloutier (Youtube)
MIS A JOUR – 02 JUIN 2021 –
Enfin ! Juliette ou la Clef des Songes est ressortie en salles dans sa version restaurée 4K grâce à Solaris Distribution.
Plus de renseignements sur leur page.
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Marcel Carné eut l’idée de tourner une adaptation de la pièce de Georges Neveux quand il l’a vit jouer au théâtre avec Falconetti dans le rôle de Juliette dans les années 30. Il en fit part au producteur André Paulvé avec qui il venait de signer un contrat qui devait déboucher sur Les Visiteurs du Soir et Les Enfants du Paradis. Nous étions à la fin de l’année 1940 et le dernier film de Carné était Le Jour Se Lève.
Le scénariste envisagé était Jacques Viot, l’auteur du Jour Se Lève, pour les dialogues Carné avait contacté Jean Cocteau tandis que les décors fut confiés à Christian Bérard, qui quelques années plus tard s’occupa de ceux de La Belle et la Bête.
Pour le rôle de Michel, Carné pensa évidemment à Jean Marais quant à celui de Juliette ce fut d’abord Madeleine Ozeray puis Micheline Presle qui débutait à l’époque. Pour jouer l’accordéoniste, Carné pensa à Alain Cuny qu’il venait de repérer dans une pièce de Jean Anouilh.
Hélas à quelques jours du tournage, le producteur Paulvé renonça au projet devant les risques d’interdiction du film par la Censure, (à l’époque la France était occupée par les Nazis). Et Carné se mit avec Jacques Prévert à travailler sur le projet qui aboutit aux Visiteurs du Soir.
Ce n’est qu’à la fin de l’année 1949 que Carné proposa Juliette au producteur Sacha Gordine, qui venait de produire La Marie du Port. Toujours en compagnie de Jacques Viot mais cette fois-ci avec Georges Neveux insista pour prendre la place de Jean Cocteau aux dialogues tiré de sa propre pièce. Les décors furent confié à Alexandre Trauner puis vint le problème de l’interprétation.
Pour le rôle de Barbe-Bleue, Carné envisagea d’abord de confier ce rôle au Frederick Lemaitre des Enfants du Paradis, Pierre Brasseur avant de faire des essais avec outre Jean-Roger Caussimon, Gerard Oury (qui n’était pas alors le réalisateur que l’on connait) et Jean Le Poulain.
Pour Juliette, il y eut 7 essais avec notamment Dominique Blanchar, la fille de l’acteur Pierre Blanchar et Leslie Caron qui signa un contrat avec la MGM à Hollywood la veille d’être sélectionnée. Ce fut donc l’actrice canadienne Suzanne Cloutier, qui venait de tourner sous la direction d’Orson Welles dans le splendide Othello, elle avait également tournée l’année précédente dans l’un des meilleurs Duvivier : Au Royaume des Cieux.
Suzanne Cloutier tant décriée dans ce film, est pourtant l’une des rares actrices qui a su donner du corps (n’en déplaise à certains) et ce supplément d’âme à ce rôle de la femme pure et ingénue que l’on retrouve dans quasi tous les films de Carné depuis Lisette Lanvin dans Jenny en passant par Marie Déa dans les Visiteur du Soir ou bien Jacqueline Laurent dans Le Jour Se Lève.
Puis le rôle de l’accordéoniste fut donné à Yves Robert, le futur réalisateur du Grand Blond avec une Chaussure Noire quant au rôle de Michel, après avoir essayé en vain Serge Reggiani et Michel Auclair, Carné se décida pour Gerard Philipe.
Le film fut sélectionné pour le festival de Cannes 1951 mais malheureusement le film fut accueilli « dans un silence glacé. Pas un applaudissement, Rien. » – (Ma Vie à Belles Dents-ed.l’Archipel-Marcel Carné).
Les critiques furent désastreuses et le film fut vite retiré des écrans et resta dans les limbes cinéphiliques où il subsiste toujours aujourd’hui. Juliette étant le film de Carné sans doute le plus incompris et le plus merveilleux à la fois.
Le temps me manque pour vous dire combien ce film est important dans notre panthéon du Merveilleux au Cinéma aux cotés de Seventh Heaven de Frank Borzage et du Peter Ibbetson d’Henry Hattaway.
Une autre fois sans doute…
L’histoire de cet homme qui aime une femme qui l’a oublié, qu’il retrouve idéalisé dans ses rêves au Pays des Gens sans Mémoire pour mieux la reperdre à nouveau et finir par préférer le suicide pour préserver dans l’éternité la beauté de cet amour est une histoire intemporelle profondément romantique (très 19°siècle), à déconseiller aux cyniques donc…
Une dernière chose, la musique du film de Joseph Kosma est disponible sur un CD qui regroupe également les musiques des films La Marie du Port et Le Déjeuner sur l’Herbe de Jean Renoir. Ce cd a été édité en 1997 puis 2001 par le label Travelling.
FICHE TECHNIQUE
Scénario : d’après la pièce de Georges Neveux.
Adaptation : Marcel Carné, Jacques Viot.
Dialogues : Georges Neveux.
Image : Henri Alekan.
Décors : Alexandre Trauner, Auguste Capelier.
Costumes : Antoine Mayo.
Musique : Joseph Kosma.
Son : Jacques Lebreton.
Montage : Léonide Azar.
Assistants réalisateurs : Roger Dalcier, Michel Romanoff.
Directeur de production : Ludmilla Goulian.
Interprètes : Gérard Philipe (Michel), Suzanne Cloutier (Juliette), Jean-Roger Caussimon (Barbe-Bleue), Yves Robert (le musicien), René Génin (le père La Jeunesse), Édouard Delmont (le garde champêtre), Roland Lesaffre (le légionnaire), Gabrielle Fontan (l’épicière), Arthur Devère, Max Dejean, Martial Rèbe, Fernand René, Marcelle Arnold, Marion Delbo, Guy Mairesse, Gérard Darrieu.
Production : Sacha Gordine.
Tournage : 3 juillet au 12 octobre 1950, studios : Saint-Maurice et Boulogne.
Distribution : Marceau.
Sortie : 18 mai 1951 au Biarritz et au Madeleine (Paris).
Durée : 106 minutes.
Distinctions : Prix de la meilleure partition musicale, Cannes 1951.
Prix du film poétique de San Sebastian (1951).
SYNOPSIS
Michel a volé par amour pour Juliette.
Emprisonné, du fond de sa cellule, il songe à la jeune fille.
Transporté par ses rêves, il la retrouve dans un mystérieux village, soumise à un homme puissant.
REVUE DE PRESSE
CAHIERS DU CINÉMA, juin 1951 – n° 3 (Frédéric Laclos)
Depuis 1944, la sortie de chacun des films de Marcel Carné provoque une sorte de bataille d’Hernani… le résultat est un film à la fois glacé et flamboyant, cérébral et baroque, mais jamais émouvant… Il serait injuste — ou trop facile— de défendre le film en invoquant les décors de Trauner ou les photos d’Alekan… trop spécieux de le justifier en entier par son « onirisme »… Il est plus équitable de demander qu’on veuille bien replacer Juliette dans la suite des œuvres de son auteur pour y souligner une étonnante permanence des thèmes, même en l’absence de Prévert (le destin, le souvenir, l’amour impossible, le paradis perdu) et l’existence chronique d’un univers fortement marqué par la personnalité ambiguë de Carné.
LES NOUVELLES LITTÉRAIRES, 29/5/1951 (G. Charensol)
… Les auteurs de Juliette nous conduisent dans le pays entièrement imaginaire qu’il leur a plu d’inventer. Nous les suivons volontiers mais sans attacher à cette promenade plus d’importance qu’à un divertissement de qualité, et la virtuosité du metteur en scène nous séduit sans nous convaincre. Certes, nous admirons constamment. De là à être ému, il y a un pas qui eût peut-être été franchi sans la froideur de Suzanne Cloutier. Marcel Carné a imposé à son jeu une stylisation qu’il serait injuste de reprocher à cette jeune comédienne… Cette profonde plongée dans le merveilleux qui a si bien réussi à Jean Cocteau excédait peut-être les moyens de Marcel Carné. Il est impossible pourtant de rester insensible aux multiples beautés d’une œuvre qui est sans doute, à ce jour, la plus parfaite qu’il nous ait donnée. Qui songerait à résister à l’éclat de ces paysages de Provence, à ce mystérieux village, à ce manoir hanté, aux subtils dialogues de Neveux, au découpage d’une rare intelligence de Jacques Viot, à cette perfection formelle qui fait de chaque plan de Juliette une réussite achevée?
LE FIGARO LITTÉRAIRE, 26/5/1951 (Claude Mauriac)
L’insupportable prétention des Portes de la nuit et davantage encore de Juliette ou la clé des songes désenchante rétrospectivement ces œuvres que nous avions tant aimées, le Quai des brumes, Hôtel du Nord, Le jour se lève, les Enfants du paradis. S’il est des échecs compréhensibles parce qu’ils demeurent malgré tout dans la ligne d’une œuvre, il en est d’autres qui apparaissent sans excuses pour cette grave raison que derrière l’artiste, c’est l’homme qu’ils mettent en cause… Nous en venons, dès lors, à nous demander si ce n’était pas malgré Carné, et dans la mesure justement où ses créations lui échappaient, que la du port et, surtout, ses premiers chefs-d’œuvre atteignaient à une telle poésie. Ce ne serait point uniquement l’oeuvre de Carné que ses deux grands derniers films compromettraient dans son ensemble, ce serait alors le cinéma lui-même. Oui, nous avons peur soudain, de n’avoir jamais lu sur les écrans que la poésie que nous y inscrivions. Nous craignons d’avoir orchestré en nous-mêmes une pauvre musique extérieure. Ainsi nos films n’auraient-ils pas plus de réalité que nos songes. Ainsi le cinéma serait-il un art du fait de ces artistes que nous sommes, nous autres, spectateurs.(…) Pas une seconde je n’ai éprouvé à Juliette ce sentiment de participation qui est l’essentiel de la magie cinématographique. Aux artifices d’un texte d’où jaillissait non pas une poésie mais une prétention flamboyante, correspondaient ces autres insupportables artifices de la plupart des plans (…).
LE FIGARO, 21/5/1951 (Louis Chauvet)
Tout ce qui, dans le film, revient en propre à Marcel Carné mérite d’ailleurs les plus grands éloges… De bout en bout la mise en scène est magistrale… L’erreur dont Marcel Carné partage la responsabilité avec Georges Neveux et Jacques Viot, c’est d’avoir cru pouvoir traduire cinématographiquement ces songes ardus, ces héros abstraits, cette littérature trop souvent discutable.
LE MONDE, 12/5/1951 (Henry Magnan)
…une œuvre de classe tout à fait exceptionnelle, d’une beauté formelle que justifie la nature du thème choisi, d’une poésie aussi pure et aussi vraie que l’était celle des Visiteurs du soir, du même Carné, d’une efficacité, enfin qui a tôt fait de décourager les rires des spectateurs que déconcerte au départ un brusque passage du réel à l’imaginaire.
FRANC-TIREUR, 22/5/1951 (Jean Néry)
Carné a eu tort de choisir ce sujet qui ne convient pas à son tempérament. Le divorce apparaît constamment entre le réalisateur et le film lui-même et donne à ce dernier cette allure empruntée et artificielle qui marque toute oeuvre insuffisamment sentie.
STORY (english)
In Jean Queval. Marcel Carne. New index series n°2 – BFI. November 1950.
A young man is sleeping in a prison cell. Suddenly the heavy gates swing back on their hinges ; outside is the countryside, the blue sky, birdsong. The young man arrives at the top of a hill, where he finds a completely white village. All the inhabitants have lost their memory. Only an accordion player is able to remember the past white he is playing his instrument. In the village the young man meets again Juliette, a girl he had met on a former fourteenth of July, and for whom he had stolen from his employer. He follows Juliette to a castle inhabited by a strange, bearded nobleman, who turns out to be a kind of Bluebeard. His cupboards are found to contain, however, not the bodies of his wives but their personal belongings—dresses, jewellery, shoes… .
In an interview published in l’Ecran Français, August 28, 1950, Carné revealed that when he first conceived the idea of making this film, before Les Visiteurs du Soir, Cocteau was going to do the adaptation and Christian Bérard the décors. » Now, I think the aesthetic of this kind of film has devetoped since 1941. With Jacques Viot, I have tried to avoid indulging in fantasmagoria. We have tried to create unreality with reality. Although the young man’s dream takes up most of the film, all the people in his dream will also appear in reality. As for the dénouement, we have had to modify our original conception for the public. It will be a happy ending. »
Affiches
LIENS
1 – La page consacrée au film sur le site incontournable DVDTOILE.
2 – La page consacrée au film sur le site dédié à GERARD PHILIPE.
3 – Une critique du film sur le site IL ETAIT UNE FOIS LE CINEMA.
4 – Une critique horripilante ou étonnante (c’est selon) du film sur le site MATIERE FOCALE.
5 – Une page en construction sur le site GERARDPHILIPE.COM (english version).
6 – Une biographie de la trop rare actrice SUZANNE CLOUTIER sur le site CINEARTISTES.
7 – Une critique du film en anglais sur le blog de Shadowplay (english version).
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Le cinéma parisien Le Champo a édité une plaquette promotionnelle lors d’une ressortie en salle de Juliette ou la Clef Des Songes
On trouve au verso du numéro 279 de la revue Film Complet daté du 11 octobre 1951 cette belle photo de Suzanne Cloutier.
EXTRAIT AVEC GERARD PHILIPE et YVES ROBERT (Youtube)
« JULIETTE OR THE KEY OF DREAMS » une bande annonce mystérieuse et envoutante…