1946 – Les Portes de La Nuit

Le DVD remasterisé, Pathé 2007

 

 

Les Portes de la nuit – l’édition DVD remasterisé de Pathé (2007)

Une fois de plus, après une belle édition (en 2006) des Enfants du paradis, Pathé a restauré l’autre grand film de Marcel Carné dont ils ont les droits : Les Portes de la nuit.

Nous allons passer en détail ce beau DVD indispensable pour qui s’intéresse au cinéma français de l’après-guerre. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux bonus exceptionnels de ce DVD.

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La version remasterisée des Portes de la nuit, 2007

La version René Chateau des Portes de la nuit, 2004

Fiche technique

Référence : 3601245
Format : DVD-9
Image ratio : 1.33 – 4/3
PAL – Zone 2
Image : noir et blanc
Pistes audio : Dolby Digital * DD5.1 français 5.1
Sous-titrage pour sourds et malentendants

Sorti le 16 mai 2007

La version remasterisée des Portes de la nuit, 2007

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Les bonus

 

1 – Entretien avec André Heinrich (15 min 02)

Fidèle à son habitude, Heinrich ne manque une occasion de rabaisser Carné, citant Trauner (« Prévert et Carné ne mangeaient jamais ensemble »), comme si pour le succès d’un film il fallait que le réalisateur et son scénariste soient les meilleurs amis du monde ! Beaucoup de spécialistes du Hollywood de la grande époque s’amuseraient d’une telle réflexion. Il se permet aussi un beau lapsus en affirmant que Prévert pendant la guerre « a fait travailler des juifs comme Carné » (sic) ! Bref…

 

2 – Essais Les Portes de la nuit, Gaumont Pathé archives (7 min 39)

Des 23 minutes disponibles dans les archives Gaumont Pathé (cf. ci-dessous) vous pouvez retrouver une très intéressante sélection de 7 minutes.

 

Tout d’abord c’est l’occasion de voir un Yves Montand pas très à l’aise dans la première scène forte du début du film. Celle où il évoque la torture par la Gestapo et le rire du traître qui a dénoncé son ami Raymond. Raymond qui est joué dans cet essai par Albert Rémy qui fut dans le film remplacé par Raymond Bussières.

Notons qu’Albert Rémy a déjà joué dans un film de Marcel Carné auparavant. C’était en 1943, il joue dans Les Enfants du paradis le rôle de Scarpia Barrigni, l’Arlequin des Funambules qui part avec sa tribu suite à une altercation avec le père Deburau.

 

Puis c’est au tour du futur homme de théâtre Jean Vilar, dont ce sera le premier film.

 

Au contraire de Montand, Jean Vilar est tout de suite convaincant dans le rôle du clochard. Dans cet essai qui se situe dans le film dans la scène du restaurant, il donne vie à ce beau texte de Prévert : « Il n’y a que des choses extraordinaires… Mais l’homme s’habitue à ces choses… »

Si vous prêtez bien l’oreille, la personne qui lui donne la réplique (mais que l’on ne voit presque pas) est… Jean Gabin.

 

Ce n’est pas l’unique surprise de cet essai. Car le texte dit par Jean Vilar est plus long qu’il n’apparaît dans le film et même celui qui est retranscrit dans le scénario édité par Gallimard en 1990 Les Portes de la nuit, présenté par André Heinrich.

 

 

Puis la sélection se termine par une scène importante entre Jean Vilar et… Jean Gabin !!

Il s’agit de la scène dans le film entre le père et le fils Sénéchal, joués par Saturnin Fabre et Serge Reggiani.

Jean Vilar joue donc cette fois-ci non plus le rôle du clochard mais celui du père Sénéchal. Pour lui donner la réplique, nous avons la surprise d’apercevoir Jean Gabin dans le rôle tenu par Reggiani.

Ce qui est le seul témoignage visuel et sonore de la présence de Gabin dans ce film qu’il quitta juste avant le début du tournage, ces essais étant datés du 1er janvier 1946.

Le tournage, lui, commencera par des prises de vues d’extérieurs le 10 janvier 1946 autour du pont de Crimée.

Le 15 janvier, Marlene Dietrich quitte le film et Gabin la suivra finalement le 24…

 

Une fois de plus, la scène est différente de celle tournée dans le film. D’ailleurs, Sénéchal/Vilar joue du violon pour débuter la scène . Il se retourne quand il aperçoit son fils Guy/Gabin qui l’accueille en chantant « Sénéchal, me voilà ! ». S’ensuit toute une discussion autour du violon. « Tu peux rire, mais c’est quand même une consolation pour moi de jouer du violon. Je n’ai pas de vice, moi, je ne bois pas, je ne fume pas, je ne joue pas aux courses, moi ! » lui rétorque Vilar, tandis que Gabin lui dit qu’avec ses économies il pourrait se payer un « Stradivarius, Marius, un violon marseillais… »

 

Ce choix de Gabin pour donner la réplique à Jean Vilar dans ces deux scènes peut s’expliquer par le fait que, d’après Marcel Lapierre (qui a consacré tout un livre au tournage mouvementé des Portes de la nuit, cf. ici), à chaque fois qu’on engageait des artistes, « Gabin les jauge, les soupèse, les dévisage, les accepte ou les refuse ».

Quel dommage que Pathé n’ait pas daigné apporter ne serait-ce qu’un semblant d’informations concernant ces essais qui sont pour certains primordiaux pour les admirateurs du film.

– Remerciements à Armel de Lormes et l’équipe de l’@ide-Mémoire pour leur impressionnante mémoire visuelle –

3 – Nouvelle production française, Les Portes de la nuit, Gaumont Pathé archives (1 min)

 

Il s’agit d’un court reportage d’actualités de l’époque consacré au tournage du film à Joinville. Une fois de plus il faut aller sur le site de Gaumont Pathé Archives pour en savoir plus.

Une courte recherche nous apprend que ce document date du 26 juin 1946. Nous sommes alors en plein tournage du film, qui a commencé le jeudi 10 janvier 1946.

On y aperçoit Marcel Carné au travail.

Yves Montand

Julien Carette et Nathalie Nattier

Le décor en construction du métro Barbès

 

4 – Vocations, Joseph Kosma (2 min 48)

 

Ce court extrait date du 8 août 1969 et nous montre Joseph Kosma qui évoque rapidement sa rencontre avec Jacques Prévert vers 1935/1936 (rappelons que tous les deux ont collaboré au premier film de Carné, Jenny, en 1936). Il mentionne Maurice Jaubert, l’autre grand compositeur du cinéma français qui l’a précédé dans les années trente. Et l’entretien se termine sur Les Feuilles mortes, son morceau le plus connu que l’on entend dans le film pour la première fois. Il avoue qu’il n’aurait jamais pensé que cela serait un tel succès, connu dans le monde entier.

5 – Têtes d’affiche : Yves Montand (6 min 18)

 

Yves Montand s’entretient avec l’indispensable France Roche le 8 mai 1970. Il parle de son enfance, de ses parents, de ses débuts à l’ABC à Paris. Puis il parle des Portes de la nuit.

 

« J’avais 23 ans à l’époque et Gabin 45. On ne remplace pas Gabin… Je ne comprenais rien à la technique du cinéma et en plus j’avais un texte qui était typiquement écrit pour monsieur Gabin. D’autant plus qu’il y avait certains mots d’argot que je ne comprenais même pas à la lecture. » Il s’est trouvé épouvantable à l’écran et pense qu’il a été choisi car il venait du music-hall, ce qui était à la mode à l’époque… Rappelons que d’après Carné, c’est Édith Piaf (qui l’avait pris sous son aile à l’époque) qui aurait fait le forcing pour que Carné le choisisse.

6 – Au cinéma ce soir : Les Portes de la nuit (29 min 26)

 

Ce long entretien passionnant est daté du 1er janvier 1974. Le journaliste est le fameux Armand Panigel.

Marcel Carné insiste sur son souhait d’avoir voulu avec Les Portes de la nuit mettre en vedette un quartier de Paris la nuit, mais aussi faire une peinture de cette époque de l’après-guerre. Évoquant le choix d’Yves Montand pour remplacer Jean Gabin, il avoue son erreur de l’avoir pris pour un rôle dramatique alors que « c’est un acteur comique », et insiste avec un peu de mauvaise foi en ajoutant qu’il ne le trouve pas tellement meilleur dans « Le Salaire de la peur » de Clouzot… Puis il évoque la grande erreur de Prévert sur ce film, qui est de ne pas avoir compris qu’il fallait changer quelques phrases du scénario après la défection de Marlene Dietrich pour le rôle phare du film. « La plus belle fille du monde n’aurait passé avec aucune autre fille que Marlène… »

 

Marcel Carné en profite pour parler de son attachement au quartier autour du canal de l’Ourcq à Paris, que l’on retrouve dans au moins cinq de ses films depuis Jenny. Il confie même que ses premières photographies ont été le canal Saint-Martin (le long duquel se trouve l’hôtel du Nord). Il parle bien évidemment de ses acteurs dans le film : Pierre Brasseur qu’il a forcé à jouer plus sobre, Carette et Jean Vilar (« des pensionnaires on ne peut plus souples »). Mais il reproche à certains acteurs leur ingratitude qui est de reporter l’échec d’un film au metteur en scène et son succès à leurs performances.

Armand Panigel l’interroge sur l’une des constantes dans ses films (surtout du début), qui est qu’il n’y a pas d’amour heureux. Carné répond que cela s’explique aussi par l’époque, celle de la fin des années trente. « On pensait que si dans la vie on avait déjà eu ne serait-ce qu’une journée de grand bonheur passionnel, c’était déjà très beau. »

En parlant de Kosma, il vante son talent pour trouver des mélodies extraordinaires, mais ajoute que son défaut était l’orchestration. Il évoque ainsi Maurice Jaubert qui était un précurseur. C’est lui qui signa la musique du Jour se lève, qui n’est pas « datée ».

Pour finir, Carné parle de son « combat incessant » pour tourner des films depuis sa séparation d’avec Prévert à la fin des années quarante et regrette le manque d’ambition du cinéma français à l’époque de cet entretien.

 

7 – Galerie photos

Dany Robin et Jean Maxime

Cette série passionnante des bonus se termine par l’inévitable galerie de photographies tirées de la collection Roger Forster appartenant à la fondation Jérome Seydoux – Pathé

 

… ainsi que par la non moins inévitable filmographie sélective.

Notons qu’avant de voir le film, Pathé vous donne le choix de voir ou non juste avant Le Journal de l’année 1946, qui n’a aucun intérêt (durée : 2 min 39), pot-pourri d’actualités n’apportant rien à la compréhension du film (et au graphisme désuet).

 

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Remarques

Le seul regret à apporter à cette restauration de ce classique de Marcel Carné est l’absence de l’intégralité des 23 minutes témoignant des essais des acteurs/actrices pour Les Portes de la nuit.

Ce qui est vraiment dommage, car ces témoignages visuels sont inédits et font partie de l’histoire du film.

Vous pouvez néanmoins trouver les photogrammes suivants en vous rendant sur le site de Gaumont-Pathé archives et en faisant une recherche par mots-clés en tapant tout simplement « les portes de la nuit ». Par contre, la fiche attenante ne mentionne aucun nom d’acteurs en dehors de Montand et Gillet.

– Remerciements à Armel de Lormes et l’équipe de l’@ide-Mémoire pour leur impressionnante mémoire visuelle –

Cliquez sur les captures ci-dessous pour les voir en plus grand.

Voici tout d’abord la petite amie de Jacques Prévert du temps des Visiteurs du soir, Claudy Carter (essai daté du 8 janvier 1946). D’autre part, savez-vous qui est le comédien ci-dessus ? Nous n’avons pas réussi à l’identifier.

La comédienne Arna, sur laquelle nous n’avons aucune information (essai daté du 26 décembre 1945).

Essais datés du 26 décembre 1945 des comédiens Frejel, Lemaître (?) et Trombelain.

Les essais de Dany Robin, retenue pour le rôle de Étiennette, datés du 2 janvier 1946.

Les essais de Babilée datés de janvier 1946. Serait-ce le danseur Jean Babilée ? En effet, 1946 est l’année où il crée à Paris Le Jeune Homme et la Mort sur un argument de Jean Cocteau, une musique de Bach et une chorégraphie de Roland Petit. Roland Petit qui avait justement créé en 1945 le ballet Le Rendez-Vous, d’où était tiré le scénario des Portes de la nuit. On aperçoit également le petit Christian Simon (le Cricri du film).

Les essais datés de janvier 1946 du comédien Pierre Fromont qui fit ses débuts au cinéma en 1948 dans le film de Jean Delannoy Aux yeux du souvenir. Puis c’est au tour du comédien Georges Gillet, qui changea rapidement de nom pour se faire appeler Georges Galley et que l’on retrouvera en 1949 dans La Marie du port de Marcel Carné, c’est l’un des marins dans l’une des scènes du film. Il a aussi travaillé avec René Clair. On aperçoit également le comédien Nioucel sur lequel nous ne savons rien.

L’essai du comédien Michel Barbey, daté du 8 janvier 1946, qui joua la même année dans le fameux Martin Roumagnac de Georges Lacombe, mais sa scène fut coupée au montage. Puis l’essai de Jean Vilar, que l’on retrouve sur le DVD.

 

Pour finir, comment ne pas regretter l’absence dans les bonus du DVD  des Portes de la nuit de l’émouvant entretien avec Nathalie Nattier, filmé en 2006 par Armel de Lorme et Gauthier Fages ?

Vous pouvez en retrouver trois extraits vidéo, sur notre page hommage à Nathalie Nattier, ici.

 

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