1945 – Les Enfants du Paradis

Le double DVD collector (Pathé, novembre 2006)


LES ENFANTS DU PARADIS (1945)
L’édition double DVD collector de Pathé sortie le 15 novembre 2006

Cette chronique est également parue sur le site partenaire DVDCLASSIK.


1 – Les caractéristiques du DVD :

DVD 1 = 97 min (1re époque)
DVD 2 = 85 min (2e époque)
Zone 2 – 2 DVD 9 – Pal
Format cinéma : 4/3 (format original 1.33)
Son remasterisé : français Dolby digital 5.1 + français Dolby stéréo 2.0
Sous-titres : français pour sourds et malentendants
Digipack


2 – Le DVD

Image –
Depuis 2001, l’édition Criterion était celle de référence. On oubliera aisément celle de René Château en 2002 qui faisait le service minimum, aussi la surprise est-elle de taille quand on regarde ce beau master entièrement restauré. La compression est quasi parfaite pour un film qui a 61 ans. Peu de poussières à l’écran, très beau contraste, il n’y a pas à dire, Pathé a fait l’effort que demandait un tel chef-d’œuvre. Signalons cependant la qualité approximative des sous-titres pour sourds et malentendants, dont certains s’affichent en un beau jaune que l’on croyait disparu depuis nos vieilles copies VHS des années 80.


Son –
Restauration également en ce qui concerne la piste son qui bénéficie du même soin apporté à l’image. Notons que Pathé nous propose une version supplémentaire en Dolby digital 5.1 un peu inutile pour un film de ce type. Privilégier les ambiances par rapport au dialogue n’était pas une très bonne idée d’autant plus que la qualité de la piste DD2.0 est d’un très haut niveau, surtout pour un film d’un tel âge.

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3 – Les bonus de l’édition collector


DVD 1 • Présentation du film par Carole Aurouet – 31 min 51

Carole Aurouet est l’une des grandes spécialiste de l’œuvre de Jacques Prévert. Elle a publié divers ouvrages, dont le spécial Prévert dans la revue CinémAction et une étude sur les scénarios de Prévert, Les Scénarios détournés de Jacques Prévert (Dreamland). Elle est docteur en littérature et civilisation française à la Sorbonne. Elle fait plus qu’une présentation, nous racontant la genèse et l’histoire du film vues à travers le regard de Prévert (elle parle peu de Carné), nous expliquant comment il travaillait , « en construisant rigoureusement ses brouillons scénaristiques » basés sur deux grandes feuilles de papier bristol sur lesquelles il dessinait les personnages avec des indications les concernant. On aperçoit ces magnifiques brouillons à l’image, déjà reproduits dans le scénario original de Jacques Prévert publié par les éditions Monza en 2000. Filmée dans son bureau en plan fixe, cette demi-heure passée en la compagnie de Carole Aurouet se regarde avec un vif intérêt. Notons qu’elle est induite en erreur par le livret du DVD édité par Pathé qui se trompe sur la date de naissance de Carné. En effet il est écrit qu’il est né en 1909, alors qu’il s’agit de 1906 (on ne le répétera jamais assez), ce qui pour l’année du centenaire ne fait pas très sérieux, surtout que Pathé ressort justement ce DVD pour cette occasion !



Jacques Prévert & Arletty (documentaire) – 13 min 09

Issues d’un documentaire sur Arletty tourné par Claude-Jean Philippe en 1974, ces treize minutes sont pour l’amateur d’Arletty et Prévert véritablement bouleversantes. Prévert parle d’Arletty avec grande émotion, évoquant notamment sa voix, « on ne fait pas assez attention aux voix de gens ». Il a ces belles phrases : « Elle a l’érotisme chaste », « Elle est pareille dedans, pareille dehors ». On sent qu’Arletty a beaucoup compté pour Prévert. À un moment le journaliste lui pose cette question stupide : « Arletty est-elle un personnage plutôt transparent ou mystérieux ? », et Prévert interloqué par cette question de remettre à sa place le présomptueux en répondant « qu’il n’y a rien de plus mystérieux que quelqu’un de transparent ! ». Il faut voir comment Prévert parle d’Arletty avec cet air de chien battu, quasiment la larme à l’œil. Peu avant, Arletty avait lu le beau poème irrévérencieux de Prévert « Quartier libre », entre le commandant et l’oiseau. Arletty apparaît dans ce reportage embellie par l’âge avec cette voix magique, ce regard de femme libre, confiant que « chacun a une petite cachette qui ne se révèle pas ».



Marcel Carné : le retour – 8 min 25

Filmé durant le tournage de son dernier film La Merveilleuse Visite, Marcel Carné évoque une fois de plus ses débuts avec Jacques Feyder. On aperçoit le comédien Roland Lesaffre et Jean Gabin dans une séquence d’archives, qui rappelle que lorsque Le jour se lève est sorti « il a fait un bide noir ». Séquence un peu courte.





Ciné Parade : Alexandre Trauner – 1 min 43

Court extrait d’interview en 1982 dans lequel Trauner évoque avec émotion ses années de clandestinité durant la guerre. Il a pu continuer à travailler grâce à des « amis gentils » comme Léon Barsacq, Georges Wakhévitch, Max Douy et déclare : « J’ai survécu et nous avons travaillé sur des films que nous avons beaucoup aimé comme Les Enfants du paradis. » Puis il évoque Prévert qui, dans les années trente lors d’un tournage dans Les Baux-de-Provence, lui avait déjà parlé avec fascination des « cours d’amours, du bon roi René ». Nous supposons qu’il parlait de l’époque des troubadours et de l’amour courtois. Nous n’en saurons pas plus, car l’interview est coupée.


Interview : Alexandre Trauner – 4 min 31

Dans ce nouvel extrait, Alexandre Trauner évoque sa carrière et Arletty, « un être qu’il aime beaucoup », pour qui il éprouve une grande tendresse. Il nous raconte qu’à l’époque on se demandait s’il fallait peindre les décors en noir et blanc. Trauner pense que c’est faux, car « une tache de couleur vous fait imaginer une chose qu’une tache en noir et blanc ne fait pas »,  tandis qu’à l’image apparaissent les dessins des décors d’Hôtel du nord et du Jour se lève. Il finit par donner sa définition du décor de film qui se trouve « entre l’architecture, la sculpture, la peinture, la photographie ». Le moment le plus fort de l’interview (qui n’est pas datée) se situe quand le journaliste lui demande si « la création fait qu’on ne vieillit pas ». Il y a alors un long silence, avant que Trauner n’ajoute : « On ne sait pas… Enfin, ça c’est une autre paire de manches. » L’air de dire : « Vous êtes bien gentils, mais vous n’allez pas me la faire, ça serait bien sympa mais malheureusement je sais que ce n’est pas le cas. »


Galerie des décors : planches dessins de Alexandre Trauner – 1 min 24

Pathé clôt cette belle série de bonus par une galerie photographique des dessins de Trauner pour Les Enfants du paradis.



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DVD 2
Tête d’affiche : Lady Arletty – 13 min 27

Pathé poursuit sur sa lancée avec cette belle interview d’Arletty en 1969. Elle parle de son enfance à Courbevoie, de son père mort écrasé par un tramway. Michel Simon explique que c’est peut-être « ce qui lui donne un côté fier, sauvage, indépendant », qu’il se sent proche d’elle car elle a connu l’usine et « s’est faite toute seule », tout comme lui. Interviewée par France Roche, Arletty ajoute que s’il lui avait fallu « tirer les sonnettes » elle serait restée « dans son plumard, c’est un peu venu à moi en fait », car « même des types qui ont besoin de vivre ne tirent pas les sonnettes, question de caractères ». C’est sûr que ça doit être difficile à comprendre pour certains ! Elle parle ensuite de ses débuts, lorsqu’elle s’amusait à jouer dans les revues, contrairement au théâtre qu’elle n’aimait pas du tout. Elle n’était l’élève de personne et n’imitait personne. C’est un fait qu’Arletty a créé un personnage qui n’existait pas au cinéma et encore moins dans le cinéma hollywoodien de l’époque. Henri Jeanson dit fort justement que « c’est un personnage qui a beaucoup de dignité, de classe, d’élégance, qui n’a aucune vulgarité, qui a une présence extraordinaire et qui dégage une sorte de poésie involontaire par tout ce qu’elle dégage ». Arletty apparaît ainsi dans ce documentaire comme une grande dame malicieuse lorsqu’elle dit : « Le culot m’amuse, mais le manque de tact, ça me choque ». C’est Michel Simon qui termine cet extrait en déclarant qu’Arletty était quelqu’un de très pudique, « une vertu assez rare dans nos métiers » et qu’il y avait « autant de fantaisie dans sa vie privée que dans sa vie professionnelle », et d’ajouter : « c’est un éloge que je lui adresse ».





Monsieur Cinéma : Interview de Jean-Louis Barrault – 7 min 03

Interviewé par Pierre Tchernia en 1976, Jean-Louis Barrault parle du trentième anniversaire de la compagnie de théâtre qu’il a créée avec Madeleine Renaud. C’est l’occasion pour lui d’évoquer les divers endroits où ils ont élu domicile. « Comme on dit, nous avons roulé notre bosse. » Tchernia le fait parler des personnages historiques qu’il a interprétés au cinéma, comme Berlioz dans le film de Christian-Jaque ou Louis XI dans Le Miracle des loups d’André Hunebelle. Bien sûr, il parle de son personnage de Baptiste Deburau. Lors de ses recherches, il avait été frappé par « le contraste entre un acteur parlant et bavard comme Frédérick Lemaître et un acteur silencieux comme Deburau », faisant un parallèle avec le premier film parlant de Chaplin.


Une légende, une vie : Pierre Brasseur – 10 min 13

Pour évoquer Pierre Brasseur, son père, Claude Brasseur raconte quelques anecdotes, comment il le faisait répéter, etc. Pierre Brasseur « avait horreur de parler de choses graves, profondes, de son métier », il avait ainsi « une sainte horreur d’une certaine catégorie d’acteurs qu’il appelait les fanas de l’art drama, par exemple ». On réalise que le personnage de Frédérick Lemaître a été en partie basé sur son caractère par Jacques Prévert. Claude Brasseur nous apprend qu’il travaillait beaucoup ses rôles sans toutefois le crier sur les toits, par pudeur. Au final, un portrait assez émouvant, dans lequel apparaît Pierre Brasseur dans un court extrait où celui-ci parle du problème de savoir quoi faire de ses mains en répétant et du fait de se retrouver avec « trois mains », vous comprendrez en regardant ce bonus. Par contre, l’extrait de l’interview est coupé en pleine phrase (avec un léger fading) alors que Claude Brasseur raconte que son père lui lisait le rôle de Sganarelle du Dom Juan de Molière.



Tournage des Enfants du paradis – 5 min 09

Remercions Pathé, une fois de plus, pour avoir extrait de leurs archives ces rushes du tournage des Enfants du paradis. Ces cinq minutes sont une aubaine pour tous les amoureux de ce film. L’extrait choisi est la scène entre Garance et le comte de Montray, lorsque celui-ci la retrouve dans sa loge et lui offre un énorme bouquet de fleurs : « Tout ce qui m’appartient, je le dépose à vos pieds. » Cette scène est filmée sous plusieurs angles et l’on regrette de ne pas en voir plus. Combien y a-t-il de rushes qui subsistent ? Les verra-t-on un jour ?



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Galerie photos – 23 min 06

L’inévitable galerie de photos est un passage obligé pour tout bonus qui se respecte. Après une première série de photographies de tournage en noir et blanc au rendu impeccable, intervient la surprise avec toute une série de photographies en couleurs ! Certes, il n’est pas précisé s’il s’agit de photos colorisées à l’époque ou si elles ont véritablement été prises en couleurs, mais permettons-nous d’en douter par la manière dont le rose aux joues semble trop souligné. Quoi qu’il en soit, cette série met en avant la richesse des costumes avec ce côté Technicolor un rien désuet qui n’est pas désagréable. Ces photos sont l’œuvre de l’un des pionniers de la photographie de cinéma, Roger Forster, qui eut pour élève le célèbre Raymond Voinquel qui travailla beaucoup pour Carné.





Galerie des costumes : planches dessins de Mayo – 1 min 17

Cette longue série de bonus, tous plus intéressant les uns que les autres, finit par les très beaux dessins de Mayo pour les costumes du film. Mayo avait été conseillé à Carné par Prévert qui l’avait rencontré durant la guerre grâce à des amis communs du groupe Octobre. Peintre de vocation, il s’était reconverti dans les décors et costumes pour le théâtre et le cinéma.


Filmographies

Les filmographies concernant Marcel Carné, Jacques Prévert, Arletty, Jean-Louis Barrault et Pierre Brasseur.

Remerciements à l’équipe de Pathé, responsable de cette belle édition collector :

Caroline Baussant et le service production de Pathé.
Laurent Molin : attaché de presse.

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4 Responses to “Le double DVD collector (Pathé, novembre 2006)”

  • philippe

    Il y a bien sur une différence entre les deux car le Blu-ray contient beaucoup plus d’informations numériques et est donc plus précis au niveau de l’image, sans compter que le son est de meilleure qualité. Neanmoins, cela dépendra si vous allez regardez le film sur un vidéo projecteur ou un ecran 42″ (dans ce cas là prenez le blu-ray), si c’est pour une plus petite télévision ou un ecran d’ordinateur (de taille portable) prenez le DVD. Après c’est surtout une question de goût.
    bien à vous

  • j’ai le dvd que Pathé a sorti récemment avec le livret (a partir d’un marron 4K) est ce qu’il y a une différence de qualité entre le dvd et le blu ray de la meme édition?

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