Roland Lesaffre

1974 –  » Mister Roland et Docteur Lesaffre » par Didier Decoin

 

Mister Roland et Docteur Lesaffre par Didier Decoin

 

Cet article est paru dans les dossiers d’Unifrance-Films n°490 en juin 1974 et reproduit par Maurice Perisset et Hervé Le Boterf dans l’Encyclopédie du Cinéma.

Cet article est également reproduit dans la première édition de « La Vie à Belles Dents« , l’autobiographie de Marcel Carné (p.448) paru en 1975 aux éditions Jean-Pierre Ollivier. Mais il a été supprimé de l’édition définitive paru aux éditions de l’Archipel en 1996 sous le titre « Ma Vie à Belles Dents« .

Mister Roland et Docteur Lesaffre par Didier Decoin

Malgré plus de quatre-vingts films et une jolie gerbe de prix d’interprétation, Roland Lesaffre n’existe pas.
Sous une seule et même identité cohabitent en réalité deux êtres : Mister Roland et Docteur Lesaffre.

Roland, c’est la fureur, la tendresse, l’explosion permanente de l’amitié …
Lesaffre, c’est la rigueur, la gravité, la conscience d’un métier qui ne souffre pas d’à peu près.
Roland s’extériorise sans compter …
Lesaffre sait trouver cette voix profonde, comme un chuchotement, qui est celle des cris intérieurs.
Roland porte des cravates conçues pour le plus dément des « technicolor » ..
Lesaffre s’habille de cette sobriété qui donne au cinéma son titre d’art, septième du nom.
Roland tapisse son appartement des affiches de ses films …
Lesaffre épingle sur les murs de sa loge les répliques les plus importantes de son rôle, afin d’en arriver à penser comme les personnages qu’on lui demande d’être.
Roland dit sans hésiter : « J’aime » ou « je déteste » …
Lesaffre murmure à l’oreille du metteur en scène : « Dis-moi exactement ce que tu attends de moi ».
Roland proclame : « La vie, je connais ! »
Lesaffre affirme : « Le cinéma, ça s’apprend tous les jours ! ».
Il suffit que les projecteurs s’allument et que le metteur en scène crie « Moteur ! » pour que Roland se fasse tout petit et pour que Lesaffre grandisse.

Ne me demandez pas lequel je préfère, du Roland ou de Lesaffre :
le premier est nécessaire à mon amitié, le second est indispensable à un générique de qualité.
Une fois de plus, c’est Cocteau qui a raison : « L’Aigle à deux têtes n’en vole que mieux, car il a le secret de l’équilibre entre la terre et les étoiles« .

Didier DECOIN
Prix Goncourt 1977.

 

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