Nathalie Nattier

Une biographie de Nathalie Nattier (avec videos)

 

NATHALIE NATTIER (1924-2010)

Mardi 22 Juin 2010

Nous apprenons avec tristesse le décès de Nathalie Nattier le vendredi 19 Juin 2010.

La page Wikipédia consacrée à Nathalie Nattier annonce son décès en ces termes :

Nathalie Nattier est décédée le samedi 19 juin 2010 à 21h30 à l’hôpital de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne). Ses obsèques seront célébrées au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois le vendredi 25 juin 2010 à 11 h.

Retirée depuis quelques mois en région parisienne, après avoir longtemps vécu Narbonne, Nathalie Nattier (née Bélaïeff) rejoint donc son mari le comédien et animateur de radio (Europe 1) Robert Willar, qui nous avait quitté le 20 décembre 2008.

Nous lui avions consacré plusieurs pages (ici et par exemple) sur ce site l’année dernière car après avoir visionné le documentaire (toujours inédit) qui lui était consacré (« Nathalie Nattier, la plus belle fille du monde » d’Armel De Lorme & Gauthier Fages), il nous paraissait important de lui rendre hommage sur Internet et de permettre ainsi aux internautes d’accéder à des informations et des photographies la concernant.

Car qui était vraiment celle qui remplaça Marlène Dietrich dans Les Portes de la Nuit ?

Marquée à jamais par ce rôle et les critiques assez sévères à l’époque, Nathalie Nattier n’a sans doute pas eu la carrière qu’elle aurait dû avoir. Ce n’est pas une raison pour oublier « sa présence chaleureuse, sa grande profondeur d’âme, son beau sens de l’humour, cette voix grave » qui nous avait tant ému dans ce documentaire.

Nathalie Nattier restera maintenant à jamais Malou, la plus belle fille du monde.

Nous ne l’oublierons pas.

Nos sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

P.S

A l’occasion du décès de Nathalie Nattier, Armel de Lormes a mis en ligne sur son site, L’@ide-Mémoire ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS, la retranscription inédite de l’intégralité de l’entretien passionnant qu’il avait réalisé (avec Gauthier Fages de Bouteiller) à Narbonne (Aude), le dimanche 7 août 2006. Cet entretien formant la base du documentaire inédit intitulé : Nathalie Nattier (la plus belle fille du monde), voir ci-dessous.

Cliquez ici pour lire l’hommage et cette retranscription sur le site : L’@ide-Mémoire ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

« C’est lourd à porter, « la plus belle fille du monde » » glisse Nathalie Nattier à la fin de l’interview qu’elle a accordée l’été 2006 à Armel De Lorme & Gauthier Fages.

Ils étaient venu l’interviewer pour un documentaire (Cours Solange Sicard) sur le cours de théâtre que donnait l’actrice Solange Sicard dans les années 40, auquel participait Nathalie Nattier. Et au bout d’une heure ils se sont retrouvés avec un entretien magique, une de ces belles rencontres comme en réserve la vie de temps en temps.
Du coup, l’évidence s’est imposée à eux. Il fallait vraiment lui consacrer un documentaire et non plus seulement quelques minutes dans ce documentaire sur Solange Sicard. C’est également évident pour ceux qui ont eu la chance de voir la vidéo de cette interview, restée inédite pour l’instant.
Nathalie Nattier, sans jeu de mots, irradie l’écran par sa présence chaleureuse, une grande profondeur d’âme, un beau sens de l’humour et surtout cette voix grave que l’on reconnaît entre toutes. La voix de Malou, « la plus belle fille du monde« , qui 60 ans auparavant en 1946 remplaçait Marlene Dietrich dans Les Portes de la Nuit de Marcel Carné, pour le meilleur et pour le pire…

En effet, elle avait 22 ans, ses idoles étaient Madeleine Robinson ou Mila Parély, elle venait de jouer dans L’Idiot de Georges Lampin aux côtés d’Edwige Feuillère et Gérard Philipe où elle avait été remarquée. Puis elle avait été sélectionnée par Marcel Carné parmi des dizaines de candidates pour remplacer Marlène Dietrich, celle-ci ayant rompu son contrat peu de temps avant le tournage. Elle allait avoir l’un des rôles principaux dans le nouveau film du réalisateur des Enfants du Paradis.

Que rêver de mieux ? Ainsi dit-elle :
« ce film a été d’un coté une chance formidable et de l’autre malheureusement, je crois que je n’ai pas fait la carrière que j’aurais dû faire à cause des Portes de la Nuit
Nous allons voir pourquoi et qui est vraiment Nathalie Nattier ? les dictionnaires de Cinéma étant plutôt avare de renseignements à son propos.

– un grand remerciement à Armel De Lorme & Gauthier Fages pour m’avoir autorisé à reproduire trois extraits vidéo de leur documentaire intitulé : « Nathalie Nattier (la plus belle fille du monde) » réalisé avec le soutien de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé – (c) L’@ide-Mémoire/Homeworks

Certaines photos sur cette page proviennent de la collection personnelle de Nathalie Nattier tandis que la photographie de Roger Forster ci-dessus appartient à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé . – Tous droits réservés –

 

La famille de Natacha Bélaïeff/Nattier est d’origine russe, naturalisée finlandaise. Il y avait une grande tradition de commerce de bois dans la famille qui avait fait leur fortune. Il y avait aussi l’arrière grand-père Mitrofan Belyayev qui fonda en 1885 la maison d’édition « M. P. Belaieff » spécialisée dans les partitions de musique classique (qui existe toujours).

Mais ses parents durent fuir la Russie lors de la révolution d’Octobre en 1918, en convertissant leur argent en bijoux pour mieux passer les frontières. Arrivé en France avec leur petite fille, Marina Bélaïeff, la soeur aîné de Nathalie Nattier, ils vont en quelques années tomber dans une misère totale à la suite d’un concours de circonstances malheureuses.
Ainsi naît à Paris le 19 mai 1924, Natacha Bélaïeff/Nattier, et non en 1925 comme indiqué par erreur sur certains sites.

 

De son enfance malheureuse, elle se souvient de la mansarde de la rue de Clichy, de sa soeur qui se marie avec un cosaque qui la cravache en lui apprenant le russe. Sa soeur très religieuse utilisant cette vieille rhétorique chrétienne masochiste : « plus tu seras malheureuse sur cette terre, plus tu seras heureuse plus tard dans le ciel »…
Puis elle sera hébergée par le directeur de l’école Russe à Paris… C’est à ce moment là qu’elle va découvrir qu’elle adore chanter à la messe orthodoxe. Elle se souvient avoir chanté rue Daru dans le 8° arrondissement sans doute dans la cathédrale orthodoxe Saint Alexandre Nevsky qui se trouve au numéro 12. Puis, elle va faire la première rencontre décisive pour sa vie à l’adolescence : le peintre russe Georges Annenkov qui fut également un grand costumier pour le cinéma. On lui doit notamment les costumes de quatre des plus grands films de Max Ophuls dont Madame de… pour lequel il reçut l’oscar en 1954. Mais il fut également le costumier de Mayerling d’Anatole Litvak en 1936 et de L’Eternel Retour de Jean Delannoy en 1943.

 

Annenkov sera le premier qui va la « prendre sous son aile » en la faisant débuter en chantant dans le choeur deux opéras qu’il monta : Eugène Onéguin et La Dame de Pique. Mais Annenkov va surtout la pousser à prendre des cours de théâtre. Ainsi elle rentre au fameux cours de René Simon le 13 novembre 1942. René Simon notera dans son cahier à son propos : « la retenir ; veut jouer trop tôt ; attendre ». Il a tout de suite deviné la « grande nature » dramatique en elle. Il dira que « Les Slaves, et surtout les Russes, sont tous doués pour le théâtre. Ils ont ça dans le sang. Il s’agit alors de dégager les possibilités de cette « nature », de lui forger un outil, de perfectionner sa résonance comme celle d’un violon. Nathalie, ce grand morceau de tissu… Elle a une force. Une présence. Ça se sent. »

Nathalie Nattier y restera deux ans et y croisera Marthe Mercadier, Maria Pacome et Nadine Allari. En parallèle, elle entrera à l’IDHEC, nouvellement créé (1942) et dirigé par Marcel L’Herbier, dans la section « acteurs » qui sera supprimée par la suite, ce qui lui permettra d’apprendre à jouer devant une caméra. Elle fait alors de la figuration pour des « panouilles » comme elle dit. Elle joue ainsi une allemande qui vend des livres à Hélène Perdrière dans Nuit d’Alerte de Léon Mathot (1945) par exemple.

Puis un jour elle rencontre dans le métro le cinéaste Louis Daquin qui lui dit : « vous avez un physique de cinéma, vous devriez songer justement à en faire ». Quant elle lui réplique qu’elle a commencé à tourner un peu et qu’elle suit déjà des cours, il lui conseille de se rendre surtout au cours de Solange Sicard qui devrait lui correspondre. Il ajoutera qu’elle sait « très bien trouver la personnalité des gens ». Nathalie Nattier admettra qu’elle doit beaucoup à Solange Sicard car « elle allait peut-être plus au fond des choses que René Simon ». Notons qu’elle tournera avec Louis Daquin dans son film Patrie (1945) aux cotés de Pierre Blanchar et Maria Mauban, les décors de ce film étant signés par…Annenkov.

 

C’est à cette époque qu’elle obtient son premier rôle important dans L’Idiot de Georges Lampin avec Edwige Feuillère et Gérard Philipe. Cela sera également le premier film où Natacha Bélaïeff deviendra Nathalie Nattier. C’est influencé par Annenkov qu’elle voulut prendre absolument un nom de peintre et choisit celui du portraitiste de la cour de Louis XV au 18° siècle, Jean-Marc Nattier.

C’est chez Solange Sicard qu’elle rencontre l’un des directeurs de production de Pathé, René Stengel, qui lui propose un petit rôle dans le film Seul dans la Nuit avec Jacques Pills et Sophie Desmarets, un film mis en scène par Christian… Stengel (1945).
Ainsi à la suite de ce film, René Stengel va penser à elle pour un film qui est en train de se monter. Plusieurs dizaines de jeunes comédiennes passèrent des essais pour succéder à Marlène Dietrich qui venait de faire faux bond à quelques semaines du début du tournage. Ce film, c’est bien sûr Les Portes de La Nuit de Marcel Carné.

Nathalie Nattier reçoit un coup de fil de Stengel en fin d’après-midi pour lui dire de se présenter dès le lendemain matin pour faire un essai au studio. Elle y retrouve Jean-Roger Caussimon, « un garçon délicieux, excellent comédien et chanteur qui m’a beaucoup aidé pour cet essai. » Elle joue la scène central du film, celle dite de « l’Ile de Pâques ». A la fin de l’essai, Carné lui dit la phrase habituelle « merci, nous vous appellerons ». « On sait ce que ça veut dire » ajoute Nathalie Nattier car juste avant elle, avait auditionné Maria Mauban, l’une des jeunes premières de l’époque, dont elle venait de jouer la bonne dans Patrie de Louis Daquin ! Et à sa grande surprise le soir même elle recevait un coup de fil pour lui dire qu’on l’attendait le lendemain matin pour signer le contrat. « je suis tombé des nues » dit-elle.

Nathalie Nattier – Les Portes de la Nuit (extrait 1)

« Et là a commencé la grande époque des Portes de la Nuit qui a été d’un coté une chance formidable et de l’autre malheureusement, je crois que je n’ai pas fait la carrière que j’aurais du faire à cause des Portes de la Nuit. Pour en revenir à ce film, je pense que c’était un film qui était en avance sur son époque. Maintenant quand on voit le film, toute la poésie qui ressort du Destin par exemple on la comprend. A l’époque on ne comprenait pas très bien cette différence entre cette fin de guerre, ces pauvres gens et ce destin qui se balade au milieu de tout ça. C’est passé au dessus des gens. Et je crois que c’est l’une des raisons du ratage du film si l’on peut dire.

Et la deuxième raison c’est moi et Montand. A mon avis nous n’étions pas du tout les personnages. D’abord moi, j’avais 20 ans avec une mentalité de jeune fille de 14 ans, j’ignorais absolument tout de la vie, alors que le personnage était ecrit pour une femme de trentaine d’années, fatale, blasée de la vie, qui a beaucoup voyagé… C’est pas que j’étais mauvaise, je n’étais pas le personnage ! En plus Carné a toujours eu affaire à de très grands acteurs comme Gabin, Arletty, Jouvet. C’était facile de les diriger. Tandis qu’il ne savait pas trop par quel bout nous prendre. Ça n’était pas de la mauvaise volonté, il n’avait pas le « matériel » qu’il avait l’habitude d’avoir et je crois que c’est l’une des raisons de l’echec du film…

Une petite déception, Kosma avait ecrit une très jolie chanson Les Feuilles Mortes et moi je savais chanter. Et je voulais absolument chanter cette chanson, mais ils ont choisi Irene Joaquim, une chanteuse d’Opera, qui à mon avis était tout à fait décalée par rapport au film et aux paroles… Et ça a été une très grosse déception pour moi. »

Nathalie Nattier – Les Portes de la Nuit (extrait 2)

« En y réfléchissant bien ce n’est pas seulement Montand et moi, je dois vous dire que nous sortions d’une époque de la guerre qui a été très dure, et où le cinéma en a profité, et le film qui a le plus marqué c’était Les Enfants du Paradis, sorti juste à la fin de la guerre. C’était un triomphe car les gens avaient besoin de ça après ces années d’abstinence. Et quand les gens sont allé voir Les Portes de la Nuit il y a eu un choc, ça n’était pas ce qu’on attendait. C’est aussi une autre raison de l’echec de ce film. »

***

Pour conclure cet épisode des Portes de la Nuit, Nathalie Nattier a cette phrase :
« Qu’est-ce que j’ai dégusté » !
Il faut dire que la presse et le milieu du cinéma n’ont pas été tendres envers elle et son partenaire. Mais Yves Montand a réussi notamment grâce au music-hall à surmonter cet échec. Il faudra attendre 7 ans pour le retrouver dans le rôle principal d’un grand film, Le Salaire de la Peur d’H-G Clouzot (1953), l’année d’après il retrouvera Carné en chantant le thème du film L’Air de Paris (1954).
Quant à Nathalie Nattier, elle a 22 ans à la sortie des Portes de la nuit et elle se remettra difficilement de cet échec.

Comme l’écrit Paul Didier-Serdet dans Cinémonde en Janvier 1949, « Rien n’est plus difficile, en effet, à une actrice de cinéma (…) que d’avoir à supporter les conséquences d’un début dont la presse s’est emparée en le qualifiant de triomphal, avant même que l’oeuvre ne soit sortie. C’est (…) le plus souvent la désaffection immédiate et il faut à l’artiste qui (…) se trouve soudain mêlée à un échec dont elle n’est point personnellement responsable, de longs mois pour qu’enfin elle trouve grâce devant de nouveaux producteurs, intelligents pour comprendre que cet échec ne lui est pas imputable. » Le problème c’est que Nathalie Nattier ne rencontrera jamais de tels producteurs.
That’s life ! comme dirait Sinatra mais on ne peut s’empêcher de penser à la perte pour le cinéma français de ne pas avoir vu Nathalie Nattier dans un rôle qui lui aurait vraiment correspondu. Si l’on en juge par certaines photos de l’époque, par certains articles et par cette interview, Nathalie Nattier avait beaucoup à apporter par sa sensibilité, sa culture et son physique avantageux bien sûr.

Comment ne pas rejeter la faute sur Prévert et Carné ? Prévert pour ne pas avoir voulu modifier son scénario en faveur de Nattier alors qu’il avait été écrit pour Dietrich. Puis Carné, pour ne pas avoir su mieux la diriger et avoir voulu calquer sur elle ce qui avait été prévu pour Dietrich. A leur décharge, il faut noter que des impératifs de production ont fait qu’il n’était pas possible de reculer le tournage et que ni Prévert ni Carné n’ont eu le recul nécessaire pour se rendre compte des faiblesses inhérentes à ce chamboulement de dernière minute…

Cela coûta à Nathalie Nattier sa carrière, qui semblait prometteuse, car elle ne rencontrera jamais celui qui sentira cette « présence » qu’avait ressenti René Simon.

 

Pourtant Nathalie Nattier ne s’arrêtera pas de tourner jusqu’en 1953, Les Portes de la Nuit étant sorti en décembre 1946. Elle partagera son temps entre le théâtre et le cinéma.
Son premier film après cet échec sera Le Mystère Barton en 1948, le premier film du grand scénariste Charles Spaak (Duvivier/Renoir/Gremillon/Carné). Elle y jouait le rôle d’Evelyn, la secrétaire de Fernand Ledoux aux cotés de Françoise Rosay et Madeleine Robinson, l’une de ses idoles de jeunesse.

A la fin des années 40, elle habite à l’hôtel Taranne à côté de la brasserie Lipp en face du café Flore à Paris. « Tous les soirs on se réunissait dans le salon de la propriétaire, il y avait Audiberti, Suzanne Flon, un photographe, un musicien ». Et tous les matins elle allait prendre son café au Café Flore, haut lieu de la grande époque de St-Germain des près où elle côtoie Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir ou bien encore Juliette Greco. Elle fait donc la connaissance de Jacques Audiberti qui aurait écrit pour elle sa pièce de théâtre Le Mal Court (1947). Mais Nathalie Nattier va refuser le rôle à cause d’une scène un peu trop déshabillée. « Moi qui était pudique à l’époque (ça a changé ensuite), j’ai dit : je ne peux pas me déshabiller, me mettre toute nue sur scène. C’est comme ça que Suzanne Flon a hérité de ce rôle qui a fait toute sa carrière où elle était sublime. Elle ne s’est pas déshabillé ! ça je l’ai un petit peu sur le coeur (sourire). »

 

Inspirée par cet ambiance artistique du St-Germain des près de l’époque, elle écrira un recueil de poésie qu’elle publiera uniquement en russe, une pièce de théâtre qu’elle n’a « jamais montré à personne » et un roman semi-autobiographique la jouissance du mal. « La biographie que j’écris n’est pas la mienne, mais celle d’une pauvre fille rejetée par le monde et qui devient, par la force des choses, une grande criminelle » dira-t-elle à Cinémonde en 1949. Elle ne l’a jamais publiée n’étant pas satisfaite de son écriture.

Nathalie Nattier joue en parallèle beaucoup au théâtre. On la retrouve au Théâtre La Bruyère, au Théâtre Gramont, au Théâtre de Poche, au Théâtre du Palais-Royal sous la direction de Jean de Letraz, un spécialiste du vaudeville. Elle commence alors à jouer au théâtre et au cinéma des rôles de vamps, un peu dénudée comme La Mariée en a deux, « tout un programme ! » dit-elle. « Je ne peux pas dire que tout cela m’a procuré une grande satisfaction… Il y a eu des films dont je ne suis pas très fière mais bon… Je les ai fait, C’est enregistré ». A propos de ces rôles de vamps elle confie : « je les truquais car ce n’est pas dans mon tempérament de jouer ce type de rôle… ». Elle évoque Moumou de René Jayet d’après la pièce de Jean de Letraz en 1951. Il y a aussi Mon Ami Le cambrioleur d’Henry Lepage en 1950 au coté de Françoise Arnoul et son compagnon de l’époque, Henry Murray, le père d’Anouk Aimée.

De tous ses films elle en retient deux particulièrement : La Rue sans loi (1950) de Marcel Gibaud d’après les caricatures de Dubout qui était sur le plateau tous les jours à sa plus grande joie, elle jouait une vamp habillé tout en noir.

 

Et aussi La Famille Cucurroux du fameux Ed Wood français Emile Couzinet en 1953 avec Jean Tissier et Pierre Larquey. « c’est pas si mal que ça finalement… » ajoute-t-elle avec un petit sourire espiègle.

Coté vie privée, Nathalie Nattier eu une fille le 21 avril 1945, Tania, avec le comédien Jacques Torrens en 1945 qui jouait avec elle dans Le Mystère Barton de Charles Spaak. Tania Torrens est devenu comédienne à son tour et fut sociétaire de la Comédie-française, en parallèle elle connaît une longue carrière dans le doublage de films, Sigourney Weaver ou la reine Lillian dans le film d’animation Shrek 2. Son père, Jacques Torrens a également fait beaucoup de doublage. Vous avez pu l’entendre dans des séries TV comme Le Prisonnier, La Petite Maison dans la Prairie, mais aussi dans le dessin animé, le fameux chien Scoubidou !

Mais c’est au début des années 50 que Nathalie Nattier va rencontrer celui qui allait partager sa vie durant plus de cinquante ans, l’acteur et animateur de radio Robert Willar (Europe 1, avec Coluche notamment en 1978). Ils auront une fille Barbara Willar que l’on a vu au théâtre et au cinéma dans les années 80 puis qui connaît une plus longue carrière en tant que chanteuse chez les Castafiore Bazooka puis dans le groupe La Serpent.
C’est grâce à Henry Murray que Nathalie Nattier a rencontré Robert Willar car il l’avait engagée pour jouer dans la pièce de Marcel Achard, Domino, une pièce qui avait été créée en 1932 par Louis Jouvet.

Puis Nathalie Nattier quitta les écrans dans les années 50 pour se consacrer au théâtre. On la retrouve par exemple en 1964 dans La Tragédie de la vengeance d’après Cyril Tourneur au Théâtre Sarah-Bernhardt où elle partage l’affiche avec Victor Lanoux et Bernard Murat !

Il faudra attendre 1997 pour la voir revenir sur les écrans, en l’occurrence un écran de télévision avec un rôle lors d’un épisode la série Nestor Burma avec Guy Marchand. Elle apparaît dans la 5° saison, l’épisode 26 : la poupée russe.

Mais c’est en 2003 qu’elle a la chance de revenir au cinéma avec son premier rôle depuis 1959 !
Elle reçoit un jour un coup de fil de l’ANPE Spectacles pour une audition. C’est ainsi qu’elle est sélectionnée pour interpréter le personnage de Marion Cotillard, vieille, dans le film de Yann Samuell : Jeux d’Enfants qui connut une bonne carrière à l’international sous le titre Love Me If You Dare. De plus, la production cherchait un acteur âgé pour jouer le rôle de Guillaume Canet vieux et Nathalie Nattier réussit à faire engager Robert Willar.

 

 

D.R Studio Canal/Mars

Pour terminer l’interview, Armel De Lorme & Gauthier Fages montre à Nathalie Nattier quelques scènes des Portes de la Nuit. « Je m’aime mieux que dans mes souvenirs et je ne me trouve pas si mauvaise… » dit-elle.

Nous aussi Nathalie, on ne vous trouve pas si mauvaise ! Au contraire !
En tout cas, vous ne méritiez pas une telle avalanches de critiques, c’est évident.

Bref, il nous parait important de réhabiliter Nathalie Nattier.
Comment, du coup, ne pas regretter que cette interview n’ait pu être disponible en bonus dans l’édition dvd des Portes de la Nuit que Pathé a sorti en 2008. Car Nathalie Nattier est la dernière comédienne vivante de ce film devenu malgré tout un grand classique du cinéma français.

 

EPILOGUE

Le documentaire Nathalie Nattier (la plus belle fille du monde) est toujours inédit à ce jour.

Il a été produit par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé.

Tous droits réservés © Armel de Lorme-L’@ide-Mémoire/Homeworks
& la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

Armel de Lorme vient de sortir (décembre 2009) le premier volume de son Encyclopédie des Longs Métrages sonores de fiction 1929-1979 avec une préface de Raymond Chirat. Il est disponible sur le site L’@ide-Mémoire au prix de 49 euros dont voici le bon de commande en PDF.

Quant à Nathalie Nattier, elle vit à Narbonne dans le sud de la France, elle fêtera son 85° anniversaire dans quelques semaines. Elle souhaite maintenant se mettre à écrire, par exemple reprendre à zéro son roman semi-biographique que nous sommes impatients de lire. Récemment, elle a retrouvé son recueil de poésie en russe qu’elle avait publié à la fin des années 40. Une traduction en français un jour peut-être ?

Malheureusement, son mari Robert Willar nous as quitté le 20 décembre 2008 à Narbonne…

 

Extrait du scénario des Portes de la Nuit par Jacques Prévert (in. Gallimard. 1990. p271)

Jean (à voix basse, évoquant un souvenir) :
« la plus belle fille du monde… »…
Malou (heureuse et lasse) :
« …ne peut donner que ce qu’elle a…»…

 

– BONUS –

Nathalie Nattier – Les Portes de la Nuit (extrait 3)
Dans cet extrait, Nathalie Nattier évoque un souvenir de tournage avec Saturnin Fabre et surtout Pierre Brasseur sur le tournage des Portes de la Nuit.

« ça c’est une histoire triste aussi… Un jour nous étions en plein tournage à Joinville et au restaurant Pierre Brasseur raconte des histoires salaces, tout le monde riait, moi je n’y comprenait rien, et ça l’a profondément vexé. D’un seul coup il s’est levé et s’est mis à m’injurier en disant : « ma pauvre fille, tu sais même pas rire, tu sais même pas pleurer, tu feras jamais rien dans la vie, tu est une merde ». La colère commençait à me monter car j’étais tout sauf quelqu’un de tranquille et insensible. Alors je me suis pris la table qui était immense où nous mangions et je l’ai renversé sur lui… Donc voilà une petite histoire pas très drôle mais ensuite on est devenu les meilleurs amis du monde, il est venu me demander pardon et ça c’est très bien arrangé. »

 

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