Alexandre Trauner

2008 – entretien exclusif de Nane Trauner, épouse d’Alexandre Trauner

 

Interview par téléphone de Nane Trauner, épouse d’Alexandre Trauner, par Philippe Morisson (Mars 2008)

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Du 13 mars au 19 avril 2008 a eu lieu une exposition-vente exceptionnelle de 50 gouaches d’Alexandre Trauner (qu’il a peint pour le cinéma) à la Galerie Berthet-Aittouares, 29 rue de Seine 75006 Paris.
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Jeanine dite Nane Trauner est décédée le 21 mai 2011 à Omonville-La-Petite. Elle avait 85 ans.

Ayons une pensée affectueuse pour elle.

Lire l’article paru dans Ouest-France ici.

Son petit-fils Mathieu Naert avait réussi à la faire jouer en 2009 dans son court-métrage Tricycle.

– Est-ce que ça fait longtemps que vous vouliez monter cette exposition autour des peintures d’Alexandre Trauner ?
Non, ça ne fait pas longtemps. Ce sont Michèle et Odile Aittouares qui en ont eu envie… C’est un lieu que je trouve très intéressant parce que c’est le coeur de Saint-Germain-des-près, là où tout de même j’ai vécu et où mon mari a vécu aussi. Je trouve que c’est bien puisque c’est la rue de Seine. On peut pas souhaiter mieux ! Michèle et Odile Aittouares ont été prises de passion pour la peinture de Trauner et voilà c’est comme ça que ça s’est passé. Il y a un très beau catalogue qui a été fait avec une préface de Bertrand Tavernier. C’est d’une très grande qualité littéraire et d’une très grande justesse.

– Pouvez-vous nous parler de la rencontre de votre mari avec Joseph Losey (ils ont fait 4 films ensemble.NDLR) ?
Ça a été une belle rencontre. Il y avait une grande confiance et je dirais aussi une admiration entre eux. Losey avait une très grande rigueur et à la fois ne faisait pas refaire les choses. Il savait très bien ce qu’il faisait et il s’entendait très bien avec mon mari.

– Dans le livre d’entretien de Jean-Pierre Berthomé, on apprend que Losey voulait reprendre le projet « Hécatombe« , le projet de film des frères Prévert et Trauner auquel votre mari tenait beaucoup…
Vous savez c’est un serpent de mer depuis bien longtemps. J’ai la chance d’avoir ici des toiles qui sont des projets pour « Hécatombe » qui sont très bien faites mais malheureusement je crois que ça ne se fera jamais. Pour revenir à la collaboration avec Joseph Losey, ça a été très important car des films comme Monsieur Klein ou Don Giovanni, ce sont des merveilles !

– Votre mari parle d’un diner mémorable entre Joseph Losey et Jacques Prévert chez vous à Omonville où chacun ne parlant pas la langue de l’autre…
Il parle de ça dans le livre ? j’y étais alors je me souviens. Oh! c’était quelque chose! parce que Losey parlait très bien le français! Donc ils étaient épatants car chacun avait bien son rôle et moi j’étais l’interprète. Ils étaient à chaque bout de la table, j’étais pas dupe mais il fallait bien le faire quand même, c’était vraiment très drôle.

– J’ai l’impression que Trauner ne pouvait travailler qu’avec des réalisateurs avec qui il avait une profonde amitié, Losey, Wilder, Carné…
Il ne travaillait qu’en amitié et ces relations d’amitié se créaient tout de suite. Il a eu ce privilège aussi de pouvoir le faire, de pouvoir choisir les réalisateurs avec qui il travaillait. C’est vrai… Et il n’a pas arrêté de travailler, jusqu’à la fin et n’a pas cessé de peindre pour son plaisir.

– D’ailleurs à Omonville il s’était installé chez vous un atelier de peinture ?
C’est ce qu’il a fait en premier. C’est ce qu’il voulait faire aussi dans la maison de Jacques Prévert. Ce sont d’ailleurs les mêmes architectes, les mêmes ouvriers, qui ont fait nos deux maisons. Jacques Prévert avait très bon goût. Ils étaient sur ce point là aussi très complices.

– Trauner parlait-il de cette période de l’Occupation qu’il a réussi à traverser tout en travaillant et sans être inquiété ?
Cette période là je ne l’ai pas passé avec lui, je n’étais pas avec lui car je suis plus jeune que lui de 20 ans. Mais il n’en parlait pas beaucoup. J’ai même découvert des choses bien tardivement… Il n’était pas amer mais il avait été dénoncé tout de même ! et c’est pour ça qu’ensuite il s’est réfugié dans la montagne… Mais c’est une période dont il n’aimait pas trop parler.

– Une chose aussi que j’ai appris en lisant le livre de Jean-Pierre Berthomé, c’est qu’en arrivant en France il a travaillé sans papiers durant les années 30…
Oui mais l’époque était comme ça. Ce n’était pas une exception. On ne peut pas comparer son époque avec celle que nous vivons actuellement. C’était un émigré qui s’est tout de suite assimilé. Quand il est arrivé à Paris il ne connaissait pas un mot de français comme il était hongrois. Il parlait l’Allemand car là-bas ils l’apprenaient tous…

– Ce livre d’entretien avec Jean-Pierre Berthomé semble avoir été très important pour lui car il n’avait pas beaucoup parlé avant de tout ça ?
Oui et Jean-Pierre Berthomé a eu ce talent, car mon mari n’aurait jamais écrit comme ça, de lui même. Tandis que là c’était une interview, on lui posait des questions, c’était donc beaucoup plus facile et plus sympathique. Sinon il ne l’aurait pas fait, il n’avait pas à raconter ses mémoires, voilà… Mais c’était deux hommes de talent. Ce sont de belles rencontres.

– Je crois savoir que doit paraître en 2009 un livre chez Ramsay sur Trauner ?
Oui par Carole Aurouet. C’est une amie et c’est une professionnelle aussi. Elle a une rigueur extraordinaire. Elle arrive encore curieusement à trouver des choses qu’on ne savait pas. Moi, elle m’étonnera toujours !

– Pour terminer, je voulais savoir comment vous avez rencontré votre mari avec qui vous vous êtes mariés en 1986 ? car votre fils Didier Naert me disait qu’il connaissait Trauner depuis longtemps par des cousins, les Racz.
Oui c’est exactement ça. Moi j’étais une gamine, il ne m’intéressait pas du tout et je ne l’intéressait pas du tout ! Forcément, hein ? Ce n’est que beaucoup plus tard parce qu’il était marié, je me suis mariée aussi. Et donc il n’y avait pas de raisons de… On voyait bien que nous avions une attache, une amitié l’un pour l’autre mais on en était resté là. Et puis après… et les Racz habitaient déjà à la Hague quand j’étais enfant… Et nous nous sommes installés là car on trouvait que c’était un bel endroit, que ce n’était pas fréquenté par les parisiens…

 

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