Articles écrits sur Marcel Carné

1949 – « Comment présenter Quai des Brumes » par Armand J.Cauliez (Ciné-Club)

 

Cine-Club – N°1 Décembre 1949 –

La Fédération Française des Ciné-Clubs édita le mensuel Ciné-Club de 1947 à 1954. Raymond Bardonnet en était le Directeur de la publication et Claude Souef le rédacteur en chef. On pouvait y retrouver des écrits du secrétaire général de la Fédération Française des Ciné-Clubs (F.F.C.C.) Georges Sadoul, Jean Painlevé qui était le directeur de la F.F.C.C. tout aussi bien que Léon Barsacq, Jean Mitry, Pierre Leprohon, Henri Agel etc…

Dans ce premier numéro de la nouvelle série, très rare, dédié entièrement à Marcel Carné, on y retrouve des articles de Joseph Kosma, Georges Sadoul, André Bazin, Denis Marion et Armand J.Cauliez ainsi qu’une interview de Carné par José Zendel et un poème inédit de Paul Eluard : « Dans mon beau quartier« .

Tous ces articles ont été scannés par nos soins, vous pouvez les lire en passant par le menu du site ci-dessus ou cliquez sur les liens ci-dessous :

1 – Souvenirs d’une collaboration qui est devenue une amitié par Joseph Kosma.
2 – Un créateur dont nous ne pouvons pas nous priver par Georges Sadoul.
3 – Marcel Carné tel que chez lui l’actualité le trouve par José Zendel.
4 – Comment présenter Quai des Brumes par Armand J.Cauliez.
5 – Les Enfants du Paradis, un film grand format par Denis Marion.
6 – Dans Mon Beau Quartier poème de Paul Eluard.
7 – Le Décor est un acteur par André Bazin.

Certains de ses articles ont pu être réedité depuis l’année de parution, dans ce cas leurs droits appartiennent bien évidemment à leurs propriétaires respectifs.

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Pour lire l’article Parallèles d’Armand J. Cauliez, cliquez ici.

Comment présenter Quai des Brumes par Armand J.Cauliez

La présentation de Quai des Brumes, comme celle de n’importe quel film, comporte d’abord l’exposé rapide d’un certain nombre de généralités d’ordre « historique » : le film doit être situé dans l’oeuvre de son réalisateur (3° film de Carné), dans son « école » (le « film noir » français, influencé par l’expressionnisme allemand et le film américain de gangsters, ces deux tendances réunies essentiellement chez Sternberg) ; et dans son époque (1938, carrefour des angoisses, inquiétude sociale et incertitude Internationale).
Il importe ensuite de commenter brièvement les éléments du générique pour conclure que Quai des Brumes est l’oeuvre d’une équipe dirigée par Carné, inspirée par Prévert, le décorateur Trauner, les acteurs, l’opérateur Schuftan et le compositeur Jaubert.
Enfin, avant de passer à l’analyse critique du film, il faut déterminer ses sources littéraires. Quai des Brumes est un exemple unique d’adaptation créatrice, de re-création presque totale.

Le « roman » de Pierre Mac Orlan était moins un récit dramatique qu’une chronique de la vie montmartroise autour de 1910. Jean Rabe et « un soldat de la Coloniale » y étaient deux personnages différents. Mac Orlan parle du Havre une seule fois. On note une seule fois le mot « vacherie ». Nelly connaît, dès le début du livre, Rabe et les autres personnages. Zabel est un boucher ; Nelly n’est pas sa pupille. Jean loue une chambre de temps à autre. Nelly et Rabe couchent ensemble seulement parce que Nelly n’a pas de chambre. Zabel a tué un « type » pour 10.000 francs. Kraus se pend. Arrêté. Zabel sera guillotiné. Nelly recueille le petit chien de Rabe. Celui-ci est parti pour Toulon via Rouen pour effectuer une période militaire. Il met en joue son capitaine, mais est tué. Nelly se prostitue (et devient l’« impératrice de la rue ») ; elle fait tuer son amant.

Voici d’ailleurs la Nelly de Mac Orlan : « C’était une grande blonde, pâle, assez gentille, une figure fripée par la misère, l’amour, l’insomnie et des embarras gastriques causés par l’abus de La charcuterie, des œufs durs et de l’alcool. C’était une créature à la fois rusée et candide. Elle se disait danseuse et quelquefois dactylo, à son choix. Elle se disait aussi journaliste ou sculpteur. Nelly n’était désirable que pour ceux qui ne la connaissaient point ».

Qu’a fait Prévert ? Il a effectué en quelque sorte un retour en arrière, imaginant un militaire ayant, à la suite d’un drame obscur, déserté. Il a simplifié l’histoire, unifié cette série de tranches de vie, concentré l’action, éliminé des silhouettes et « gonflé » les personnages principaux, au besoin en en « fusionnant » plusieurs. Il a déplace l’histoire dans le temps (de 1910 à 1938) et dans l’espace (de Paris au Havre). Cette opération singulière, infiniment moins valable et plus périlleuse que l’élaboration d’un scénario original directement inspiré de la réalité, a donné lieu à une oeuvre assez « monstrueuse » sur le plan sociologique. Dans une succursale maritime du Lapin Agile, des personnages expriment des complexes existentiels. Mais l’originalité et la plénitude de l’expression « cinématurgique » est telle que l’on oublie les scories, ébloui qu’on est par cette « musique de lumière », pathétique, désespérée. « L’atmosphère et les personnages m’intéressent plus que les caractères » (Carné, 1938) (1).

1. SITUATION

Un déserteur, Jean, erre sur une route noyée de pluie. Un camion l’amène au Havre. Un clochard, « Quart-Vittel », le conduira à la baraque de « Panama » ; un chien l’y a suivi. Un peintre halluciné, Michel Kraus (« Je peins les choses cachées derrière les choses ») se suicide. Et Jean revêtira son costume et son identité. Il fait la connaissance d’une jeune fille : Nelly. Le tuteur de celle-ci, Zabel, un bimbelotier (passionné de musique religieuse) a tué un jeune dévoyé. Les trois complices de ce dernier pressent Zabel d’avouer. Leur chef se heurte à Jean à propos de Nelly. Amour de Jean et de Nelly ; ils veulent fuir, s’embarquer (vers les îles du bonheur…). Jean tuera Zabel, mais sera abattu par le bandit.
Les thèmes essentiels du film sont la solitude, l’amour, la solitude du couple. « Qui a tué dans l’oeuf un bel amour tout neuf ? ». Les méchants, certes, les envieux — qui provoquent le héros, suscitent sa colère, allant jusqu’à se faire tuer par lui pour mieux le perdre. La faiblesse du héros, c’est de croire l’amour possible (la rédemption par l’amour chère à Tolstoï et à Dostoïevski) — c’est de « croire au Père Noël » (comme le dit Zabel). Tout se passe comme si les gens se liguaient contre « les enfants qui s’aiment ».

II. — ATTITUDE

Il y a incontestablement dans les films de Carné-Prévert une tentation de désespoir. « Quand le malheur s’est présenté, je lui ai ouvert la porte, je lui ai dit : « Entrez… vous êtes chez vous ». C’est que la lutte entre le bien et le mal est inégale. Le malheur gagne « presque » à tous les coups… Chez Carné-Prévert, le fait divers, la situation dramatique est symbolique. L’amour est l’image charnelle de la liberté; amour signifie anarchie, révolte, émancipation. L’amour est une coopérative à deux. C’est enfin, sur le plan lyrique, une promesse d’éternité (cf. Les Visiteurs du Soir), une réponse à l’inquiétude métaphysique (« On est de passage », dit le Jean de Quai des Brumes. « je suis de passage » dit le Jean des Portes de la Nuit). « Les passants qui passent les désignent du doigt », ces « enfants qui s’aiment » et qui « ne sont là pour personne », défiant les hommes, le diable et la mort.

Le manichéisme fondamental de Carné-Prévert détermine la différenciation des personnages : 1° les enfants du bien, Jean et Nelly ; 2° la collusion des méchants : le rival (« fils à papa » dévoyé ), le vieillard jaloux, envieux (« qu’est-ce que vous avez tous avec l’amour ? ») ; bien qu’ennemis, ils sont solidaires relativement au héros ; 3° les voyageurs, les témoins, détachés ou « presque » des biens de ce monde, dégagés de la lutte ­pour-la-vie, résignés même à la mort : Panama, Kraus et Quart-Vittel sont comme un destin en trois personnes ; tous trois aident Jean à aller « vers son destin »…
Les auteurs ont ainsi deux sortes de porte-parole : Gabin (qui, physiquement, est comme un compromis entre Carné et Prévert), d’une part ; et, d’autre part, les commis-voyageurs de la fatalité.

Un réalisme lourd baigne le film. Une fatalité englue les êtres, comme une brume. Ce Quai des Brumes est un carrefour du malheur où les routes du départ sont barrées. Des hommes de nulle part et de partout y échouent. Mais leurs tentatives de redressement sont vaines. Ce quai est comme un abcès de fixation.
La mort se cache derrière la brume.

Le scénariste, c’est le père. Le réalisateur, maternellement, couve le scénario, jusqu’à l’éclosion.
Le cinéma, dit Mac Orlan, se fout de l’anecdote, du sujet proposé. Ce qu’il cherche, c’est l’image. Et quand l’atmosphère du roman est retrouvée, on aurait mauvaise grâce à se plaindre.
Le romancier, pourtant, n’est qu’un père « putatif ». Prévert s’est foutu de l’anecdote, du sujet proposé par Mac Orlan. Mais il s’est imposé lui-même un sujet ; il a écrit une histoire et esquissé des personnages. Carné a réalisé l’histoire : choix des acteurs, création des décors. Au studio, naît une atmosphère. « Avant chaque film, dit Carné, je prépare ma palette. Et je filme le tout dans le même ton, faisant toujours attention à l’idée conductrice de l’oeuvre que je réalise » (2).
Le film a une grande unité de style. Un seul décor (« complexe »), centré sur la brume. L’atmosphère est comme le reflet du drame sur les choses (expressionnisme). Le film souvent suggère au lieu de montrer.
Quai des Brumes est une peinture de moeurs en noir et gris. Le dialogue est moins descriptif que poétique ; il ajoute, ainsi que la musique, à la tragique amertume des images mouvantes.
Pas d’effets cinématographiques. Carné ne joue pas au virtuose. Une fois le climat créé, les personnages typés et situés, le réalisateur se retire sur la pointe des pieds. Il reste un témoin, certes, mais il ne participe pas au drame. La caméra suit les personnages et ne joue pas de rôle propre. Carné est aussi objectif que Prévert est subjectif.

III. — STRUCTURE

La musique de Jaubert est faite a l’image du film. Elle en fait sentir la structure. Elle est linéaire comme une marche lente. Elle dit : « Comme la vie est lente et comme l’espérance est violente » (Apollinaire). Jean et Nelly, désabusés, le cœur néanmoins gros d’espoir, marchent, les mains dans les poches, dans la brume. Il y a un rythme « Jean », nonchalant et pénible, certes, mais coupé de crises rythmiques : colère contre Kraus, colère contre les voyous, colère contre Zabel – qu’il tue sauvagement tandis que la radio donne du Bach.
L’unité de style se retrouve dans la construction générale de l’oeuvre : unité de lieu, de temps, d’action.
Il y a comme un dialogue d’images, à l’image du dialogue de Prévert. Quand les paroles se font brèves, les images se succèdent rapidement (un garçon — un marin — une caisse — un manège : plans intermédiaires entre deux scènes). Les mouvements d’appareil animent une rencontre brutale. Quant aux gros plans, ils donnent l’essence d’une scène : ils mettent un point final. Un panoramique sur « Quart Vittel », (personnage témoin), permet d’établir une liaison entre deux groupes, deux actions. Dans la rue, trois magasins consécutifs devant lesquels passe Jean semblent exprimer ses préoccupations essentielles : « Croisières », « Vêtements » — et la boutique de Zabel. Sur le bateau qui doit l’emmener, Jean, voyant un baromètre, pense à celui de « Panama » (cloué à « Beau fixe ») ; et il revient vers Nelly.
On voit moins les actions que les réactions : réaction sur Jean et Nelly d’un coup de feu ; réaction sur Panama de la noyade de Kraus ; réaction sur Zabel et l’un des voyous de la sonnerie de la porte d’entrée provoquée par l’arrivée de Nelly; réaction sur Nelly (qui vient de découvrir un bouton appartenant à la victime de Zabel) de la voix « off » de son tuteur.
L’alternance des « intérieurs » et des « extérieurs », régulière, unifie le décor.
Enfin, dans l’ensemble, chaque séquence est d’abord rapide puis son rythme décroît. L’avant-dernière image (la dernière étant celle du chien de nouveau solitaire) est une sorte de plan-synthèse du film : Jean vient d’être abattu; Nelly court vers lui, dit, « Jean ! » et pousse un cri qui se fond dans le sifflement déchirant du bateau (que Jean devait prendre) (3).

Armand J. CAULIEZ

(1) Mac Orlan trouva le film excellent: « Différent, mais excellent! »
(2) « Il faut composer les images comme les vieux maîtres composaient leurs toiles, avec la même préoccupation d’exposition et d’expression. Les images cinematographiques ont les mêmes besoins. Il faut donc quelles soient parfaitement claires et lisibles. » (Carné. 1939, « Primer Plano »).
(3) A cette question: « Quel est votre film préféré ? » posée il y a quelques années, Carné me répondit : « Si je dois citer un titre : « Quai des Brumes, oeuvre qui, à une époque donnée, m’a satisfait. Mais, ce que j’aime surtout, ce sont les passages de mes films que j’estime les plus réussis, pour des raisons sentimentales personnelles. »

 

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Parallèles par Armand J.Cauliez

Le premier film de Carné : Nogent, eldorado du dimanche, montrait déjà une réelle connaissance de l’âme populaire. Et il affirmait que Carné aimait la simplicité logique du récit, l’observation malicieuse et même ironique, le pittoresque direct. Le « petit bonhomme gouailleur », avant de s’attaquer aux grandes illusions, tournait sa « partie de campagne ».

Assistant de Feyder, notamment pour La Kermesse Héroïque (dont il se souviendra peut-être pour Les Enfants du Paradis), Carné a-t-il été influencé par le « patron » ? Certes, la classique rigueur de Feyder, son pessimisme lucide n’ont pu laisser Carné indifférent. Mais les tempéraments sont trop dissemblables pour qu’une confrontation soit possible.
On peut dire toutefois que le réalisme de Feyder est à la fois plus humain (Crainquebille) et plus théâtral (Pension Mimosas) que celui de Carné : c’est que Prévert, plus « voyant » que Spaak, par exemple, a apporté au réalisateur de Nogent son lyrisme amer et son romantique populisme. Chez Feyder, en tout cas, l’homme lutte (en vain) contre sa nature et contre un destin imprécis. Dans les films de Carné, le héros s’attaque aux représentants du malheur. Des deux films de Renoir, l’un, Les Bas-Fonds, pourrait être de Carné (par le thème), l’autre, La Bête humaine, de Feyder.

Il y a dans Les Nouveaux Messieurs « quelque chose » de René Clair : les « plaisanteries de montage » (et les truquages) et le goût de la satire. Mais il semble bien que ce côté « Clair » de Jacques Feyder ait laissé froid Marcel Carné, quoi qu’on ait écrit et dit à propos de Drôle de Drame.
Carné débute effectivement en 1936 avec Jenny : Françoise Rosay, rappel de Feyder ; Préjean, rappel de René Clair. A revoir aujourd’hui ce film, on éprouve un malaise. Carné s’y dégage de Feyder. Deux univers interfèrent : dans l’un, l’amour est vice ou bagatelle (ou affaire), dans l’autre, l’amour est libération. Rosay, Vanel, appartiennent à Feyder ; Le Vigan (l’Albinos) et Barrault (le Dromadaire), sont de Carné-Prévert. C’est Pension Mimosas avec quelques pensionnaires supplémentaires. Et des extérieurs style Carné : quai brumeux, pont de chemin de fer, jour qui se lève.

Drôle de Drame est une anomalie dans l’oeuvre de Carné. Si le décor fait penser parfois aux films de René Clair ou de Chaplin, la conception burlesque et absurde du « drame » est directement issue de L’Affaire est dans le Sac.

Il faut bien dire que ce qui a manque à l’Hôtel du Nord, c’est Prévert. Prévert est assez proche de Dabit. « je suis surtout de passage » écrit Dabit, « absent et présent, auteur et spectateur (éternel spectateur et cependant révolté) ».

Opposer Quai des Brumes aux Visiteurs du Soir est une erreur. Un film n’est pas réaliste parce qu’il est joué en veston… Il y a plus de souci « réaliste » dans Les Visiteurs du Soir que dans Quai des Brumes.
En tout cas, le thème de deux films est le même : l’amour — l’amour né du hasard et soudain, envers et contre tout, plus fort que le passé, plus fort que le malheur. Quai des Brumes est plus réaliste dans son dénouement. Car dans Les Visiteurs du soir, l’amour est plus fort que la mort.
La charpente des deux films est identique. Ce qui diffère, c’est l’affabulation, l’espace et le temps, la chair du drame.
Un homme venu du fond de la nuit, lourd d’un passé gênant — ou creature du démon, expiant ses fautes. Une jeune fille accablée par la fatalité sociale — ou engoncée dans le conformisme. Renaud, lui, est une sorte de compromis entre deux personnages de Quai des Brumes : le virtuel Maurice et l’assassin de Jean. Nelly et Jean, Anne et Gilles : ils se raccrochent â la vie, leur passion est totale. Pourtant, Gilles, un moment, se rira de l’amour d’Anne – comme Jean raillait Nelly (scène de la fête foraine).
Zabel est « diabolique » : il a tué Maurice et veut se débarrasser de Jean. « Qu’est-ce que vous avez donc tous avec l’amour?… Qui est-ce qui m’aime, moi? Ah! si l’on m’aimait ». Et le diable des Visiteurs reprend : « Si l’on m’aimait, je serais moins méchant ».
Zabel, c’est à la fois le Diable et le baron Hugues – saisi lui aussi par la « beauté du diable ».

Le montreur de chiens du Jour se lève (Jules Berry, futur diable), dit lui aussi : « On ne m’aime pas, moi ». Comme dans les autres films, l’amour, dans Le Jour se lève est résurrection : « L’amour, ça rend plus vivants  » dit Françoise.

La musique de Jaubert traduit l’essence du drame. Dans Quai des Brumes, elle est progression rectiligne, aveugle et infinie. Dans Le Jour se lève, elle est tourbillon, remous, retour en arrière ; elle traduit le désarroi du héros tournant en rond dans sa chambre, cette prison de verre ; elle ne laisse qu’une seule issue : le grand saut…

Lorsque les envoyés du diable, les visiteurs du soir, arrivent au château, la musique de Thiriet (élève de Jaubert), nous fait penser irrésistiblement à Quai des Brumes. Et c’est très bien ainsi.

Les Portes de la Nuit, ce fut comme un retour au Mac Orlan du Quai des Brumes et à l’Hôtel du Nord. Carné et Prévert nous content une histoire des temps troublés qui s’éternisent. Une histoire d’amour sur tranche d’histoire – d’histoire tout court. Le ballet du « Rendez-vous », quittant la scène, se dansait dans un cadre réel et dans un climat social bien défini. Un peu de théâtre au coeur du cinéma…

Jacques Prévert avait dû retoucher le « texte » du marchand d’habits (Les Enfants du Paradis), lorsque l’on substitua Pierre Renoir à Le Vigan. De même, pour Les Portes de la Nuit, quand Marlène et Gabin se désistèrent, l’auteur modifia notablement son dialogue en fonction des nouvelles vedettes. Exemple entre dix des contingences réelles qui marquent la création cinématographique.

Marcel Carné, Marcel Aymé. Ils se ressemblent… un peu. Même goût du populisme lyrique ; « mixage » du pathétique et du pittoresque.
Les nouvelles d’Aymé sont très proches du cinéma. Dans Le Passe-Muraille, il y a notamment une histoire qui s’appelle : En attendant. A la porte d’une épicerie, quatorze personnes attendent. S’étant prises d’amitié, elles ne se quitteront plus. Et quatorze existences se déroulent…
Carné, Aymé : j’associe ces noms sur un générique de rêve.

ARMAND J. CAULIEZ.

 

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